La liberté d’expression de Twitter à l’épreuve de son expansion

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par Gerry Shih

SAN FRANCISCO (Reuters) – L’expansion internationale de Twitter et son introduction prévue en Bourse risquent de remettre en cause la politique très libérale du réseau social, qui s’est défini comme “l’un des plus fervents partisans de la liberté d’expression parmi les défenseurs de la liberté d’expression”.

La simplicité d’utilisation de Twitter, sa facilité d’accès pour les appareils mobiles, l’anonymat permis par le site et ses règles d’utilisation, bien moins contraignantes que celles d’autres réseaux sociaux comme Facebook, en on fait l’un des médias privilégiés de militants en faveur de la liberté d’expression à travers le monde.

Cette tolérance, actuellement défendue comme une marque de fabrique par le site, se heurte cependant de plus en plus aux réglementations nationales, alors que Twitter, qui ne tire que 25% de ses revenus hors des Etats-Unis, compte accroître sa présence internationale et détient désormais sept sièges à l’étranger.

“Twitter a toujours été un allié”, souligne Hisham Almiraat, un blogueur marocain. “Dès que Twitter entrera en Bourse, il devra rendre des comptes à ses actionnaires, et sa stratégie sera plutôt déterminée à court terme. Si Twitter, par appât du gain, ou à cause de pressions politiques, change de philosophie de base, alors je m’inquiéterai.”

Dans son prospectus d’introduction en Bourse, publié jeudi, Twitter, qui espère lever un milliard de dollars (734 millions d’euros), ne mentionne que de façon vague la liberté d’expression, en s’engageant à faciliter la diffusion d'”idées et d’informations de façon instantanée, au-delà des barrières”.

Paradoxalement, ce sont des pays démocratiques comme le Brésil, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Inde qui sont entrés en conflit avec Twitter, et non des régimes autoritaires, comme la Chine ou l’Iran, où le réseau social est de toute façon officiellement interdit.

CONCESSIONS EN EUROPE ET AU BRÉSIL

“Il y a toute une série de pays que l’on ne peut pas traiter comme la Chine, car ils ont un régime démocratique et fonctionnent selon un Etat de droit, tout en restreignant la liberté d’expression d’une façon que l’on peut contester”, explique Andrew McLaughlin, ancien responsable de la politique internationale de Google et actuel directeur général du site Digg.

En juillet, le réseau social a obéi aux injonctions de la justice française et a fourni les données susceptibles de permettre l’identification de certains auteurs de tweets antisémites, qui reprenaient les mots clés #unbonjuif et #unjuifmort.

L’an dernier, le site a bloqué pour la première fois en Allemagne les messages d’un groupe d’extrême droite de Hanovre, après son interdiction le mois précédent, mais a utilisé l’une de ses fonctionnalités qui permet de ne filtrer les tweets que dans un pays.

C’est néanmoins au Brésil, l’un de ses marchés les plus actifs, en particulier en vue de la Coupe du monde de football de 2014 et des Jeux olympiques de 2016, que le site a reçu le plus de requêtes des autorités de régulation, hors des Etats-Unis.

Peu de temps après l’ouverture de locaux à Sao Paulo, le parquet brésilien a déposé en 2012 la première plainte gouvernementale de l’histoire de Twitter, ce qui a obligé le réseau social à bloquer des messages sur l’emplacement de radars destinés à lutter contre la conduite en état d’ivresse, et à transmettre à la justice les adresses IP de trois comptes.

“Les réseaux sociaux sont une réalité relativement neuve, de même que leurs effets”, juge Luis Fernando Canedo, procureur général du Brésil. “Dans certaines situations futures que nous ne pouvons même pas imager, l’Etat devra prendre position face à certaines pratiques illégales et nuisibles, qui se déroulent sur Internet.”

Avec Esterban Israel à Sao Paulo, Matthew Smith à Dubai, Parisa Hafezi à Ankara et Andjarsari Paramaditha à Djakarta; Julien Dury pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten

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