Tensions américano-chinoises autour du cyberespionnage

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par Sui-Lee Wee et Li Hui

PEKIN (Reuters) – Au lendemain de l’inculpation de cinq membres de l’armée chinoise dans une affaire de cyberespionnage aux Etats-Unis, la Chine a convoqué mardi l’ambassadeur américain à Pékin et menacé Washington de représailles.

Les cinq militaires chinois ont été inculpés par un grand jury pour des faits présumés de cyberespionnage à l’encontre de plusieurs entreprises américaines impliquées dans les secteurs du nucléaire, des métaux et de l’énergie solaire, a annoncé le département américain de la Justice.

C’est la première fois que la justice américaine accuse publiquement la Chine de cyberespionnage.

Le ministère chinois de la Défense a répliqué en affirmant que le gouvernement et l’armée n’avaient jamais mené d’opérations de cyberespionnage sur des entreprises américaines. L’inculpation de ces cinq militaires, ajoute le ministère, nuit sérieusement à la confiance entre les armées des deux pays.

L’ambassadeur des Etats-Unis à Pékin, Max Baucus, a parallèlement été convoqué au ministère des Affaires étrangères, rapporte mardi l’agence officielle de presse Chine nouvelle.

“Si les Etats-Unis continuent dans cette voie, la Chine prendra des mesures pour répliquer avec détermination”, a par ailleurs déclaré un porte-parole de l’Office national d’information sur internet, l’autorité de régulation d’internet, cité par Chine nouvelle et Le Quotidien du peuple.

D’après les autorités américaines, six entreprises dont United States Steel Corp, Alcoa, Toshiba Corp, Westinghouse Electric Co, la filiale américaine du groupe SolarWorld AG, ainsi qu’un syndicat de la métallurgie, ont été victimes de ces cyberattaques.

L’UNITÉ 61398

Selon l’acte d’inculpation, les hackers de l’Armée populaire de libération (APL) ont conspiré pour voler des secrets commerciaux susceptibles d’être utilisés par des concurrents chinois de ces entreprises, y compris des groupes publics chinois.

Les Etats-Unis, eux-mêmes mis en cause l’an dernier par les révélations sur le vaste espionnage pratiqué par la National Security Agency (NSA), s’inquiètent depuis longtemps des activités de cyberespionnage en provenance de l’étranger, en particulier de Chine.

Dans un câble diplomatique de 2009 divulgué par le site WikiLeaks, ils imputaient l’origine d’attaques informatiques à une unité spéciale de l’APL. Les cinq militaires inculpés travaillaient tous pour cette “Unité 61398”, basée à Shanghai et accusée par la société de cybersécurité Mandiant d’être à l’origine d’opérations de cyberespionnage.

Dès lundi, les autorités chinoises ont rejeté des accusations “fabriquées de toutes pièces”, selon le ministère des Affaires étrangères qui a d’ores et déjà annoncé la suspension des activités d’un groupe de travail sino-américain sur la cybersécurité, créé en avril 2013.

En allusion au scandale des écoutes de la NSA, l’agence nationale du renseignement américain, Pékin a également souligné que “des institutions américaines menaient depuis longtemps des piratages informatiques organisés et de grande ampleur, des écoutes illégales et une surveillance visant les dirigeants politiques, les entreprises et les individus étrangers”.

“Ces activités visent des dirigeants chinois, des citoyens ordinaires et quiconque possède un téléphone portable”, poursuit le porte-parole de l’Office national d’information sur internet cité par Chine nouvelle.

PHISHING

Dans l’acte d’inculpation déposé devant le Western District de Pennsylvanie, les procureurs affirment que les suspects ont commencé leurs opérations de cyber-intrusion en 2006, recourant notamment au “phishing”, ou “hameçonnage”, une technique consistant à récupérer les données personnelles d’une personne en lui adressant par de faux courriels des demandes de renseignements émanant prétendument d’organismes fiables (une administration, une banque, un opérateur de téléphonie…).

L’un des cinq inculpés aurait réussi à récupérer en 2012 des informations confidentielles sur les coûts de production et la politique tarifaire d’un site de fabrication de panneaux solaires de SolarWorld dans l’Oregon.

Un autre aurait dérobé à Westinghouse Electric des données techniques et les spécifications de conception de matériaux utilisés dans la construction de centrales nucléaires au moment où l’entreprise négociait en Chine un contrat de construction de quatre centrales électriques.

(avec Aruna Viswanatha et Jim Finkle à Washington; Jean-Stéphane Brosse et Simon Carraud pour le service français, édité par Henri-Pierre André)

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