Les visées de Telefonica sur Telecom Italia critiquées en Italie

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par Alberto Sisto et Danilo Masoni

ROME/MILAN (Reuters) – Le président de Telecom Italia, ses administrateurs indépendants et des hommes politiques italiens ont dénoncé mercredi les visées de Telefonica sur l’opérateur italien en accusant le groupe espagnol de vouloir pousser à la vente d’actifs stratégiques en Amérique latine.

Les critiques montent depuis l’annonce, mardi, d’un accord qui pourrait assurer à terme au groupe espagnol le contrôle de Telecom Italia et de ses filiales au Brésil et en Argentine, sans même qu’il ait à soumettre une offre aux autres actionnaires.

Elles laissent présager un conseil d’administration houleux le 3 octobre, quand les différentes factions débattront des moyens de réduire l’endettement de Telecom Italia – actuellement de 29 milliards d’euros – et de le relancer sur un marché italien toujours en récession.

Ce contexte délétère pourrait aussi contraindre le gouvernement à intervenir alors même que le ministre adjoint au Développement économique, Antonio Catricala, a exclu mardi de s’immiscer dans le dossier.

Franco Bernabe, le président de Telecom Italia, s’est prononcé mercredi en faveur d’une augmentation de capital pour réduire la dette et éviter ainsi un déclassement de la note de crédit.

“Il y a une liquidité abondante et les conditions se prêtent à une augmentation de capital”, a-t-il affirmé devant une commission sénatoriale, sans avancer de montant.

Un responsable syndical avait déclaré à Reuters que Franco Bernabe préparait un ambitieux plan d’investissement en Italie qui nécessiterait une importante mise de fonds, estimée entre trois et cinq milliards d’euros par une autre source.

Franco Bernabe, qui occupe la tête de Telecom Italia depuis 2008, a expliqué aux sénateurs qu’une cession d’actifs risquait de prendre trop de temps pour empêcher un déclassement de la note de crédit et il a noté qu’une augmentation de capital serait ouverte à tous les investisseurs, actuels comme nouveaux.

INTÉRÊTS NATIONAUX

Telefonica, lui-même confronté à un endettement de 50 milliards d’euros, pourrait pousser au contraire à des ventes d’actifs, notamment au Brésil où il se trouve en concurrence directe avec TIM Participacoes, la filiale locale de Telecom Italia. En Argentine, la filiale de l’italien, Telecom Argentina, pourrait aussi être sur la sellette.

Ce scénario est dénoncé par les cinq administrateurs indépendants de Telecom Italia.

“Telefonica, concurrent direct de Telecom Italia en Argentine et au Brésil, risque de forcer Telecom Italia à vendre des actifs qui sont indispensables à un nouveau départ”, a dit mercredi l’un d’eux, Luigi Zingales.

Les administrateurs critiquent en outre l’accord de mardi en estimant que ses conditions ne bénéficient qu’à quelques actionnaires sans prendre en compte l’intérêt de la majorité.

Telefonica, avec les groupes italiens Generali, Intesa Sanpaolo et Mediobanca, contrôle le conseil d’administration (14 membres) de Telecom Italia via la holding Telco, qui ne détient pourtant que 22% du capital de l’opérateur historique.

Le groupe espagnol s’est refusé à communiquer sur ses projets pour Telecom Italia mais plusieurs sources ont indiqué qu’il penchait pour des cessions d’actifs plutôt que pour une augmentation de capital, qui lui coûterait de l’argent ou réduirait son influence.

La prise de contrôle de Telecom Italia par Telefonica est aussi vue d’un mauvais oeil par plusieurs responsables syndicaux et politiques en Italie.

Matteo Colaninno, porte-parole pour les questions économiques du Parti démocrate (PD, centre gauche), l’une des formations de la coalition au pouvoir, a jugé que Rome devait intervenir pour préserver les intérêts nationaux.

A la Bourse de Milan, l’action Telecom Italia perd 3,24% à 0,5805 euro vers 13h00 GMT alors qu’à Madrid Telefonica avance de 0,18% à 11,315 euros.

Julien Dury et Véronique Tison pour le service français, édité par Marc Angrand

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