Le Graal de la 4G s’éloigne pour les opérateurs

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par Gwénaëlle Barzic

PARIS (Reuters) – La perspective d’une sortie de crise prochaine sur le marché français du mobile risque de s’éloigner après l’annonce par Free de l’intégration de la 4G dans ses forfaits low-cost qui devrait maintenir la pression sur les prix, estiment analystes et experts du secteur.

Empêtrés depuis deux ans dans une guerre des prix qui a grevé leurs revenus et leurs marges, les opérateurs historiques ont massivement investi dans le très haut débit mobile avec l’espoir de regagner des parts de marché et retrouver des marges de manoeuvre tarifaires.

Orange, SFR (Vivendi), et Bouygues Telecom, qui ont chacun déboursé aux environs d’un milliard d’euros pour acheter des fréquences, ont déployé l’artillerie lourde pour faire la promotion de leurs offres 4G à l’approche des fêtes de fin d’année, Orange s’étant même offert le luxe d’occuper la dernière page de Libération avec son personnage créé de toutes pièces “M4GICMAN”.

Mais Iliad vient de leur couper l’herbe sous le pied en annonçant l’intégration de la 4G dans ses offres pour un prix identique, ce qui a pesé sur les titres de ses concurrents en Bourse.

L’opérateur virtuel Virgin Mobile avait déjà ouvert une brèche quelques semaines plus tôt avec le lancement d’une offre 4G à 19,99 euros, suscitant des interrogations sur la capacité des opérateurs à monétiser le très haut débit.

“Les trois autres opérateurs vont sans doute mettre en avant les différences de réseau comme principal argument mais ils vont probablement réagir en ajustant leurs prix”, estiment les analystes du Crédit Agricole.

“Cela entame les perspectives de croissance sur le marché du mobile français.”

Les opérateurs historiques, qui multiplient actuellement les promotions pour faire connaître la 4G, avaient annoncé leur intention d’appliquer le plein tarif à partir du début d’année prochaine, Orange étant le plus ambitieux avec un “premium” annoncé de dix euros.

TATONNEMENT

Interrogé par Reuters, la directrice exécutive d’Orange France Delphine Ernotte Cunci a réaffirmé ce mardi le projet de l’opérateur de relever ses tarifs 4G, mais sans se prononcer sur le montant de l’écart de prix entre les offres 3G et 4G.

“L’ensemble de la structure de prix mise en place par Orange, SFR et Bouygues apparaît désormais très optimiste”, a déclaré à Reuters Fréderic Boulan, analyste chez Nomura.

“Lors de récentes conférences et présentations de résultats, Orange et Bouygues ont semblé de plus en plus préoccupés par l’écart de prix qu’ils seraient en mesure de dégager avec la 4G”.

Les opérateurs français ne sont pas les seuls à tâtonner sur la stratégie à suivre en la matière.

Selon Frédéric Pujol, analyste à l’Idate, les pratiques varient selon les pays, certains n’appliquant aucun premium à l’image de l’Espagne, quand d’autres enregistrent des écarts allant de 10% à 20%.

Une étude publiée en septembre par le cabinet Deloitte a fait état d’un appétit pour l’heure limité des consommateurs pour la 4G qui ne constitue ni une attente ni un argument de vente en France où le réseau 3G est de qualité.

“Je pense que la 4G va commencer à prendre doucement et que dans deux ans, il y aura un vrai décollage”, a déclaré à Reuters Alexandre Buselli, associé responsable télécoms et médias chez Deloitte, en marge de la présentation de l’étude.

Si aux Etats-Unis, la 4G a contribué à augmenter les revenus et les cash-flows d’ATT et Verizon, le résultat a été plus mitigé pour les opérateurs en Corée du Sud, l’un des pays les plus avancés en termes de très haut débit.

“MALÉDICTION”

En début d’année, ces derniers ont mis en garde leurs homologues européens sur la “malédiction” de la 4G alors qu’ils éprouvaient encore des difficultés à monétiser cette nouvelle technologie 18 mois après son lancement.

Dans une note publiée mi-novembre, l’agence de notation Fitch s’est montrée peu optimiste, estimant que la concurrence entre les opérateurs risquait l’an prochain de saper les bénéfices de la croissance du volume de données mobiles.

Pour les experts de l’Idate et de Deloitte, l’une des stratégies possibles pour les opérateurs consiste à enrichir leurs offres en matière de services afin de permettre aux consommateurs de faire l’expérience concrète des avantages offerts par la 4G, notamment pour la lecture de vidéos.

En Grande-Bretagne, Vodafone propose ainsi le service de musique en streaming Spotify ou encore une chaîne de sports dans ses offres haut de gamme, une stratégie notamment suivie en France par SFR avec ses “extras”.

Les trois opérateurs historiques français ont pour l’instant réservé la 4G à leurs offres traditionnelles, mais la pression des offres à bas coûts des concurrents pourrait les contraindre à les intégrer dans leurs offres low-cost, estime également un acteur du secteur.

Avec Leila Abboud et Raoul Sachs, édité par Jean-Michel Bélot

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