Instagram relance le débat sur les données personnelles en ligne

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SAN FRANCISCO (Reuters) – Le réseau social de partage d’images Instagram a relancé le débat sur le respect des données personnelles des internautes par les réseaux sociaux en repoussant les limites des obligations et des engagements imposés à ses membres.

Dans ses nouvelles conditions d’adhésion à son service, publiées cette semaine, la filiale de Facebook s’autorise notamment à faire un usage commercial des photos de ses utilisateurs et leur donne jusqu’au 16 janvier pour les accepter ou se désabonner.

Des dispositions immédiatement critiquées, à la fois par des juristes et des associations de consommateurs.

Instagram, qui compte quelque 100 millions d’utilisateurs, cherche sans doute ainsi à s’assurer de futures sources de revenus publicitaires qui le conduiraient à laisser des annonceurs utiliser les images ou les données personnelles de ses adhérents sans rémunérer ces derniers.

“Je pense que Facebook utilise probablement Instagram pour voir jusqu’où ils peuvent pousser ce modèle publicitaire. S’ils conservent de nombreux utilisateurs, ceux-ci auront alors accepté que leurs images soient utilisées dans des publicités”, précise-t-il.

Ce risque a déjà conduit le magazine National Geographic à suspendre toute nouvelle publication sur la plate-forme en se disant “très inquiet de la direction prise par les nouvelles conditions proposées pour l’utilisation du service”.

L’avalanche de protestations suscitée sur le web mardi a conduit l’entreprise à publier un long article de “clarification” dans lequel son PDG, Kevin Systrom, déclare qu’Instagram n’a pas l’intention d’intégrer des photos prises par ses utilisateurs dans des publicités.

La société s’est refusée à tout autre commentaire.

Dans sa communication officielle de mardi, Instagram n’aborde pas un autre sujet controversé, la clause qui prend pour acquis que l’utilisation du réseau par une personne de moins de 18 ans vaut acceptation tacite des conditions par l’un de ses parents.

L’esprit de la loi est que “les mineurs ne peuvent conclure de contrats. Cela veut aussi dire qu’ils ne peuvent être tenus par une disposition qui leur fait accepter de renoncer à leurs droits”, souligne Kurt Opsahl de l’EFF.

“À PRENDRE OU À LAISSER”

Instagram inclut aussi dans ses conditions générales des dispositions visant à le protéger de procédures judiciaires similaires à celles qui menacent sa maison mère Facebook en matière de protection des données individuelles.

“Instagram donne aux gens un choix plutôt radical: à prendre ou à laisser, et si vous n’en voulez pas, quittez le réseau”, explique Kurt Opsahl, avocat de l’Electronic Frontier Foundation, un groupe de défense des droits des internautes.

De plus, souligne-t-il, si un utilisateur a déjà accepté ces nouvelles règles mais change d’avis, ses données pourraient tout de même être utilisées à des fins commerciales.

Dans sa volonté de se prémunir contre toute action en justice, Instagram exige en outre que ses adhérents sollicitent une médiation préalablement à tout recours légal et leur interdit de s’associer à une action collective de type “class action”, à moins d’avoir envoyé une demande écrite de résiliation (“opt-out”) par courrier au siège de Facebook, à Menlo Park, dans les 30 jours suivant leur adhésion à Instagram.

Ce type de disposition n’apparaît pas dans les conditions d’utilisation d’autres réseaux sociaux tels que Twitter, Google, ou YouTube, ni même dans celles de Facebook, et vise à protéger Instagram contre toute forme de responsabilité juridique, explique le professeur en droit Michael Rustad de l’Université de Suffolk.

L’universitaire, qui a étudié les chartes de quelque 157 réseaux sociaux, souligne que seuls 10 d’entre eux contiennent des clauses de protection contre les actions de groupe.

Certains défenseurs des droits des consommateurs estiment que Facebook utilise en fait Instagram pour contourner ses propres déboires judiciaires et les accords passés avec l’autorité de régulation américaine, la Federal Trade Commission.

Avec Dan Levine, Patrice Mancino pour le service français, édité par Marc Angrand

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