Fleur Pellerin promet le très haut débit "pour tous" en 2022, malgré de nombreux défis

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Du très haut débit, ‘pour tous’, en 2022 : ce sera la ligne directrice du plan national très haut débit (THD), attendu pour la fin de l’année, a affirmé, mercredi 12 septembre, la ministre de l’économie numérique, Fleur Pellerin, à La Montagne. Mais pour mettre en oeuvre ce plan de lutte contre la fracture numérique, de nombreuses difficultés devront être résolues.

Quelle est la situation ? Le très haut débit, à la capacité théorique maximale de 100 Mb/s, peine à s’implanter en France. Selon les derniers chiffres du régulateur des télécoms, l’Arcep, il y avait à peine 760 000 abonnés à la fibre optique fin juin, en progression de 43 000 abonnés sur un trimestre. Sur ces 760 000 clients, seuls 245 000 disposent de la fibre jusqu’à l’abonné (FTTH), sur 1,75 millions de lignes éligibles.

S’il permet de nouveaux usages très consommateurs de données, le très haut débit vise aussi à réduire la fracture numérique, notamment en réduisant la taille des zones ‘blanches’, n’ayant pas accès au haut débit, et des zones ‘grises’, où seul un opérateur est présent. Souvent rurales, elles sont délaissées par les opérateurs nationaux car peu rentables.

Fin 2011, ‘environ 265 000 lignes demeureraient inéligibles aux services DSL, soit environ 0,9 % du total des lignes (434 000 lignes en septembre 2010)’, selon le dernier rapport annuel de l’Arcep. Une partie de ces personnes peuvent recevoir le haut débit par d’autres technologies, comme le satellite ou le Wimax (accès sans fil). Problème : ce sont des solutions peu pérennes et limitées face à l’ADSL ou la fibre.

Que prévoit ce plan ? La révision du plan nation très haut débit intègre deux paliers. Le premier a pour objectif le haut débit ‘pour tous’ en 2017, avec des débits minimum de 3 à 5 Mb/s. Ces débits sont insuffisants pour bénéficier d’une offre triple play comprenant Internet, télévision et téléphonie, habituelle pour les abonnés ADSL. Ce premier pallier vient contredire un projet de loi adopté au Sénat en février, qui imposait du 2 Mb/s ‘pour tous’ fin 2012, et un débit de 8 Mb/s, permettant lui le triple play, d’ici à fin 2015.

Le second palier vise le très haut débit ‘pour tous’ en 2022, par un ‘mix technologique’ censé s’adapter aux situations géographiques et aux coûts de déploiement. Les technologies éligibles sont la fibre optique, le VDSL2 (qui exploite les lignes cuivre servant à l’ADSL), ou encore les réseaux radio 4G dédiés à un usage fixe. Par rapport à l’ancien plan national THD, l’objectif est donc avancé de trois ans, de 2025 à 2022, comme l’indiquait le programme de campagne du PS.

Pour financer ces réseaux, plusieurs pistes sont envisagées, notamment une taxe sur les réseaux cuivre fournissant l’ADSL, depuis longtemps rentabilisés par leurs propriétaires. Il est aussi question de financer des réseaux d’initiative publique en zones peu denses, donc gérés par les collectivités, avec une partie des recettes de réseaux ADSL bénéficiaires en zones denses. Cette ‘péréquation’ est déjà appliquée pour la résorption de certaines zones blanches.

Quelles sont les difficultés financières ? La possibilité d’atteindre ces objectifs en 2022 est contestée par les opérateurs, qui voient les besoins d’investissement exploser. En juin, le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, estimait que des investissements annuels de 6 milliards d’euros étaient nécessaires pour atteindre les précédents objectifs de débits. L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) estime que les opérateurs devront ‘multiplier par cinq’ leurs investissements pour atteindre les objectifs fixés par le PS. Iliad (la maison-mère de Free, dont le fondateur Xavier Niel, est actionnaire du groupe le Monde) a reçu en août 200 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement pour soutenir ce déploiement.

La création d’un réseau fibre (fibrage ‘horizontal’) en zones denses et moyennement denses est la priorité, car plus rémunératrice. Des coinvestissements entre Orange et d’autres opérateurs permettent d’amortir les coûts en zones moins denses. Mais les opérateurs sont globalement frileux, car l’ADSL gagne toujours des abonnés sur un réseau amorti, contrairement au THD, où tout est à expliquer et construire.

Les avantages de la fibre sont peu connus des internautes et peu mis en avant par les fournisseurs d’accès. Les incitations légales au déploiement fibre et les incitations pour se départir de l’ADSL sont aussi faibles. De même que les garanties de financement pour le déploiement public ou privé de réseaux THD en zones rurales manquent à l’appel.

Le choix des investissements prioritaires est également complexe : faut-il privilégier des infrastructures permettant d’atteindre le haut débit ‘pour tous’ en 2017, ou celles très différentes qui permettraient d’atteindre le très haut débit pour tous en 2022 ?

Quelles sont les difficultés techniques ? Le ‘mix technologique’ peut aider à alléger cette charge financière. Le déploiement du VDSL2, qui est en cours d’examen par l’Arcep, permettrait de diviser par dix le coût pour les opérateurs. De même, la 4G ‘fixe’ peut permettre d’atteindre des lieux reculés à bien moindres frais que la fibre optique. Ces solutions amènent pourtant à des limites techniques.

Le VDSL2 a ainsi une portée très réduite d’1,5 km, logiquement insuffisante pour s’adresser à des zones reculées. La 4G ‘fixe’, censée améliorer la portée possible, est une solution difficilement pérenne. Comme le Wimax pour le haut débit ‘fixe’ avant elle, la 4G doit encore faire ses preuves en situation réelle. Le Wimax, associé à de grandes promesses de débit et de longue portée, a rapidement déçu, voyant de nombreux acteurs se désengager et les restants chercher des solutions pour recycler les licences acquises à prix d’or. L’Internet par satellite, qui couvre le plus de territoire, pâtit toujours de fortes latences et de débit insuffisants pour permettre des accès THD.

Les défis sont donc nombreux pour le futur plan national très haut débit, qui devra concilier les considérations économiques et techniques pour atteindre des objectifs de couverture du territoire à dix ans. Les batailles entre les collectivités visant des objectifs d’aménagement du territoire, les opérateurs soucieux de leur rentabilité et le régulateur seront toujours au coeur du débat.Fleur Pellerin promet le très haut débit “pour tous” en 2022, malgré de nombreux défis
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