Face aux incertitudes, Dell tente de rassurer

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par Poornima Gupta

SAN FRANCISCO (Reuters) – La bataille que se livrent depuis des mois Michael Dell et l’investisseur activiste Carl Icahn pour le contrôle de Dell commence à effrayer des clients du troisième constructeur mondial d’ordinateurs, confronté au déclin de son marché.

Certains commencent à douter de la survie même du groupe sur le moyen terme, rapporte Michael Gavaghen, un responsable de SL Powers, qui distribue des produits Dell. “Nous les prenons par la main et leur disons de reporter leur décision d’achat de quelques semaines”, dit-il, tout en assurant que les clients ne sont pas en train de fuir massivement.

John Pucillo-Dunphy, créateur de Miracle Networking Solutions, un autre revendeur de Dell basé à Middleboro dans le Massachusetts, constate que la plupart de ses clients gardent la tête froide, avec le sentiment que Dell est trop gros pour faire faillite (“too big to fail”), à l’image des grandes banques.

Michael Dell lui-même, qui tente avec le fonds Silver Lake de racheter son groupe pour 25 milliards de dollars (18,7 milliards d’euros) en vue de le retirer de la Bourse, a adressé jeudi un message à ses employés pour leur demander de rester mobilisés, puis a envoyé vendredi des assurances de même nature aux clients de la société.

“Je sais que cela n’a pas été facile. La concurrence est rude en cette période d’incertitudes mais nous sommes, comme nous l’avons toujours été, déterminés à vous prouver pourquoi Dell apporte les meilleures solutions à vos besoins”, a-t-il écrit.

UNE MUE TARDIVE ET RISQUÉE

Michael Dell, qui selon la légende a fondé le groupe dans sa chambre d’étudiant en 1984, entend retirer l’entreprise de la cote pour la restructurer à l’abri du regard de Wall Street et la transformer en prestataire de services informatiques, à l’instar d’IBM ou de Hewlett-Packard.

Face à l’opposition acharnée de Carl Icahn, qui détient 8,9% du capital, il a dû relever son offre par deux fois pour s’assurer du soutien des autres actionnaires. Reportée à trois reprises après des coups de théâtre de dernière minute, l’assemblée générale qui décidera du sort du groupe est maintenant fixée à septembre.

Les analystes se sont jusqu’ici gardés d’estimer l’impact de la bataille sur les activités Dell mais ils suivent la situation de près et attendent la publication des résultats trimestriels, le 20 août.

“Ce sera un processus douloureux et à haut risque”, prédit Carr Lanphier, chez Morningstar, en notant que l’issue encore incertaine du conflit “rend les clients méfiants.”

Les analystes financiers tablent en moyenne sur un bénéfice net de 417 millions de dollars pour le groupe texan au deuxième trimestre, soit la moitié de celui de 875 millions enregistré un an plus tôt, sur un chiffre d’affaires en repli de 2% à 14,2 milliards.

Depuis 2008, Dell a investi quelque 13 milliards de dollars dans sa diversification, via des acquisitions dans les logiciels et les réseaux entre autres. Mais le groupe reste largement tributaire des PC, qui représentent encore la moitié de son chiffre d’affaires.

LE MARCHÉ DU PC CONTINUE DE BAISSER

Or le marché mondial des PC décline depuis trois ans et devrait encore reculer de 7% cette année et de 4,5% en 2014, selon les analystes de CLSA.

Boston Consulting Group, le cabinet de conseil engagé par le conseil d’administration de Dell pour évaluer l’offre de rachat, estime quant à lui que le chiffre d’affaires du groupe continuera de baisser jusqu’en 2016.

“Franchement, les actionnaires devraient accepter l’offre Silver Lake-Michael Dell et prendre leurs jambes à leur cou”, affirme Brian Marshall, analyste chez ISI Group.

Face à l’opposition de Carl Icahn, Michael Dell, lui-même actionnaire à hauteur de 16%, a relevé ce mois-ci son offre de 10 cents pour la porter à 13,75 dollars par action, plus un dividende spécial de 13 cents. Avant l’annonce de sa première offre en février, le titre valait autour de 10 dollars.

Mais même s’il l’emporte en septembre, certains analystes se demandent s’il ne sera pas trop tard pour transformer le groupe en géant des services informatiques.

Le marché des services aux entreprises est maintenant largement verrouillé par IBM et Hewlett-Packard qui ont engagé cette transformation bien plus tôt, explique Steven Nathasingh, chez Vaxa. “HP et IBM se sont lancés sur ce marché il y a sept à dix ans, Dell ne fait que commencer”, dit-il.

Selon les dernières estimations du cabinet d’études IDC, les livraisons d’ordinateurs de Dell ont reculé de 4,2% au deuxième trimestre par rapport à la même période de 2012, dans un marché global en repli de 11%. La part de marché de Dell s’est établie à 12,2%, ce qui en fait le numéro trois mondial derrière le chinois Lenovo (16,7%) et HP (16,4%).

Véronique Tison pour le service français, édité par Marc Angrand

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