Ce lapin imprimé en 3D possède un ADN pour se répliquer lui-même

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Contrairement aux êtres vivants, les objets inanimés n’ont pas la capacité de se reproduire. Ce petit lapin en plastique contient pourtant toutes les instructions nécessaires à sa réimpression, stockées dans des brins d’ADN à l’intérieur des filaments. Demain, n’importe quel objet du quotidien, comme une bouteille d’eau, un bouton de chemise ou des verres de lunettes, pourra ainsi dissimuler des informations secrètes.

Ce petit lapin imprimé en 3D ressemble à un banal jouet en plastique. Il possède pourtant la faculté de se reproduire lui-même. Plus exactement, il renferme les instructions de sa fabrication stockées sous forme d’ADN. Une prouesse réalisée grâce à la collaboration entre deux équipes : celle du chercheur israélien en sciences informatiques Yaniv Erlich, pionnier du stockage ADN, et celle de Robert Grass, professeur en chimie et biosciences appliquées à l’ETH Zürich, à l’origine de l’invention de nanofibres en verre pouvant contenir cet ADN.

Stockage ADN : conserver les données pendant des millions d’années

Le stockage ADN est un Graal qui agite le monde scientifique depuis des années. Il consiste à convertir les bits informatiques 0 ou 1 vers les bases ADN azotées A, C, G et T — adénine, cytosine, guanine et thymine. Théoriquement, cette méthode permet de stocker un milliard de gigaoctet de données dans à peine 1 mm3, soit toute la production informatique annuelle du monde dans un coffre de voiture. Et surtout, de les conserver pratiquement pour l’éternité, là où la durée de vie d’un CD ne dépasse pas les 30 ans. En mars 2018, Microsoft et l’université de Washington ont ainsi annoncé avoir encodé 200 Mo de données sur des brins ADN et en 2019, la start-up Catalog a réussi à stocker les 16 Go de la version anglaise de Wikipédia sur ADN.

Le lapin en plastique contient ses propres instructions d’impression, encodées sous forme d’ADN dans des nanofibres de verre. © ETH Zürich, YouTube

Le problème, c’est que l’ADN est aussi très fragile. Des températures élevées, une modification du pH ou une exposition aux rayons UV peut détériorer la molécule de façon irrémédiable. Autant dire que la faire passer à la moulinette d’une imprimante 3D lui serait normalement fatal. C’est là où intervient l’invention de Robert Grass : ce dernier a mis au point des nanofibres de verre chargées positivement, qui s’agglomèrent avec les brins d’ADN chargés négativement et forment une enveloppe de protection. Ne restait plus qu’à intégrer ces nanofibres dans les filaments de plastique et à imprimer le lapin.

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Le lapin se reproduit à partir d’un morceau d’oreille

Ce dernier renferme des milliards de nanofibres, chacune contenant environ 100 octets de données sur sa forme, ses contours ou la vitesse d’impression. Encore plus fort : à l’instar de la biologie classique, le lapin contient non seulement l’information pour se répliquer lui-même, mais celle-ci est aussi transmise de génération en génération, en prélevant un petit morceau d’oreille de lapin pour en réimprimer un nouveau. « Nous avons pu répéter le processus cinq fois de suite, c’est-à-dire créer l’arrière-arrière-arrière petit fils du lapin orignal », sourit Yaniv Erlich.

Plus fort que James Bond : des films cachés dans des lunettes de vue

Au-delà de l’impression 3D, cette technique va permettre de cacher de l’information dans n’importe quel objet du quotidien, se félicitent les chercheurs dont les travaux ont été publiés dans la revue Nature Biotechnology. Robert Grass et ses collègues ont ainsi encodé un petit film de 1,4 Mo dans de simples verres de lunettes. On peut également envisager un système de traçabilité des pièces de construction, des produits alimentaires, de marquage anti-contrefaçons ou des dispositifs médicaux contenant des informations de santé. Grass a d’ailleurs créé en 2012 une start-up chargée d’exploiter son invention et nommée Haelixa. Tout matériau ne nécessitant pas de chauffage excessif est théoriquement apte à l’encapsulage de nanofibres.

Le lapin 3D ne risque cependant pas de remplacer votre clé USB dans l’immédiat. La méthode est pour l’instant relativement longue et laborieuse. La fabrication du lapin a ainsi coûté 2.000 francs suisses (1.831 euros), correspondant pour l’essentiel à la synthèse des brins ADN. Néanmoins, « plus l’objet est gros et plus le prix par unité diminue », atteste Yaniv Erlich.

  • L’ADN permet de stocker d’énormes quantités de données dans un minuscule volume.
  • Des chercheurs ont ainsi réussi à stocker les instructions d’impression dans un lapin en plastique sous forme d’ADN, et de répliquer ce lapin sur 5 générations.
  • Cette forme de stockage ADN va permettre de dissimuler des informations dans n’importe quel objet du quotidien.

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