Un nom temporaire et un cofondateur qui part au bout de 12 jours : bon anniversaire Apple !

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Aujourd’hui, premier avril, est un grand jour pour Apple. En effet, le premier avril 1976, les trois co-fondateurs d’Apple, Stephen G. Wozniak, Steven P. Jobs et Ronald G. Wayne, signaient le contrat qui les unissait autour d’Apple Computer Company, une entreprise créée pour fabriquer et vendre des machines informatiques, composants et produits associés.

Image : Sotheby’s

Ce contrat prévoyait que le nom d’Apple était à l’origine provisoire, et même « fictif ». On a entendu beaucoup d’explications au sujet du choix de ce fruit pour incarner une entreprise d’informatique. Un nom sympa, inspirant et rassurant, un fruit simple et nutritif, une bonne position précédant Atari dans l’annuaire… Et pourtant, à la base, comme Steve Jobs le raconte lui-même, ce nom n’était qu’une idée provisoire, une manière de remplir la case du formulaire administratif en attendant de trouver mieux. Un souvenir confirmé par Steve Wozniak dans son autobiographie iWoz.

Je me souviens, je raccompagnais Steve Jobs depuis l’aéroport, sur la Route 85. Steve rentrait de l’Oregon, où il avait visité un lieu appelé l’Apple Orchard (le verger de pommiers). C’était une sorte de village hippie1. C’est là qu’il a proposé le nom d’Apple Computer. Je lui ai tout de suite fait remarquer qu’il y aurait un souci avec Apple Records, le label des Beatles. Alors on a tous les deux tenté de trouver une meilleure idée, quelque chose qui sonnait plus « technologique », mais on n’a rien trouvé. Apple, c’était tellement mieux que tout ce à quoi on pouvait penser. — Steve Wozniak

Faute de mieux, ce nom sera conservé par la suite, avec le succès que l’on connaît. Enfin, quand on parle de succès, il faut bien avouer que ce nom a aussi causé quelques frayeurs aux avocats de la marque dans les décénnies qui ont suivi. Un premier procès retentissant fut déclenché en 1978 par Apple Corps, la compagnie fondée par les Beatles en 1968.

Apple Computer n’obtint qu’en 1981 le droit de conserver son nom en échange de l’engagement de ne pas s’intéresser au marché de la musique (et d’un chèque de 80 000 $). Or dès 1986, Apple commença à planter quelques coups de couteau dans le contrat en lançant l’Apple IIGS qui disposait d’un processeur de synthétiseur et d’enceintes stéréo conçues par Bose. De quoi déclencher un deuxième procès qui s’acheva en 1991 par un accord à 26,5 millions de dollars.

Et ce n’était qu’une broutille à côté des 500 millions que coûteront à Apple Computer, devenue Apple Inc. en 2007, les lancements de l’iPod puis de l’iTunes Music Store, et la récupération définitive du nom Apple.

Le premier logo Apple, dessiné par Ronald Wayne. Il sera remplacé par la pomme arc-en-ciel dès 1977.

Les débuts d’Apple sont faits de bric et de broc. On connaît bien l’anecdote maintes fois racontée de Steve Jobs revendant son minibus Volkswagen tandis que Steve Wozniak revendait sa calculatrice programmable HP-65. Mais ce que l’on sait moins (bien que Steve Jobs ne l’ait jamais nié), c’est que, faute de financement, les deux Steve « libérèrent », selon leurs propres termes, des pièces détachées de leurs employeurs Atari et Hewlett-Packard ! Et comme cela ne suffisait pas, ils se tournèrent vers d’autres de leurs amis qui, à leur tour, piochèrent dans les stocks de leurs entreprises pour les alimenter en pièces détachées !

Ce n’est qu’au moment de devoir fournir leur première commande officielle de 50 ordinateurs « assemblés et testés » qu’ils se tournèrent vers une voie plus habituelle, en achetant les composants nécessaires auprès de fournisseurs facturant à 30 jours. Et voici comment Steve Jobs expliquait sa vision du rôle de l’ordinateur, à une époque où beaucoup d’investisseurs s’interrogeaient sur l’existence réelle d’un marché de la micro-informatique :

La meilleure analogie que j’ai lue [au sujet de l’informatique], c’est dans une revue Scientific American des années 70. C’était une étude sur l’efficience des espèces animales dans les déplacements. Quelle pouvait bien être l’espèce qui dépensait le moins d’énergie pour aller d’un point A à un point B ? Au moment d’établir la liste, c’est le condor qui était en tête. L’Homme ne brillait pas particulièrement, vers le premier tiers de la liste. Heureusement, un scientifique perspicace a eu l’idée de réaliser le même test avec un humain sur un vélo. Et l’Homme sur un vélo faisait deux fois mieux que le condor ! Cette étude prouvait que l’Homme est un faiseur d’outils : il fait des outils pour amplifier ses propres capacités, et c’est exactement ce que nous faisons ici. — Steve Jobs

Si l’avenir donnera raison à Steve Jobs, la situation d’avril 1976 n’était pas pour rassurer Ronald Wayne. Il revendra ses 10 % du capital d’Apple dès le 12 avril 1976, empochant une « belle » plus-value de 800 $ au passage, auxquels s’ajouteront 1 500 $ pour solde de tous comptes quand Apple prendra sa forme sociale définitive en 1977. Une goutte d’eau face aux 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière de la marque aujourd’hui. On pourrait imaginer qu’il se maudit chaque jour d’avoir été si prudent. Mais si on l’en croit ce qu’il déclare lorsqu’il est interviewé sur le sujet, il n’a aucun regret d’avoir ainsi joué la sécurité pour ne pas risquer de voir un jour les huissiers sonner à sa porte :

En tenant compte de l’inflation, les 2 300 $ que j’ai reçus d’Apple en 1976 représentent environ 9 200 $ aujourd’hui. Je suis sûr que vous serez d’accord avec moi : ce n’est pas mal payé pour 12 jours de travail. — Ronald Wayne

Il aurait pu compenser en revendant quelques souvenirs, mais non : le sort s’est acharné contre lui. Imaginez que le contrat présenté plus haut, Wayne s’en est débarrassé contre « quelques milliers de dollars » en 1994. Quatre feuilles de papier qui s’envoleront aux enchères en 2011, atteignant 1,6 million de dollars

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