Apple et Intel en instance de divorce

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13 ans après un mariage qui aura donné naissance à de nombreux Mac x86, les chemins d’Apple et d’Intel sont en voie de se séparer. La collaboration aura été fructueuse pour l’un comme pour l’autre, mais elle ne correspond plus aux objectifs ni aux impératifs de Cupertino.

Paul Otellini offrant un wafer Intel à Steve Jobs en 2006.

La première fracture ne concerne pas le Mac, mais l’iPhone. Devenu fournisseur de modems 4G depuis 2016, Intel ne sera pas reconduit à ce poste pour la 5G. C’est Qualcomm qui rafle la mise, alors même qu’Apple avait entamé une grande bataille judiciaire contre son ancien partenaire.

Conséquence de ce revirement de situation, Intel abandonne tout bonnement le marché des puces 5G pour smartphones, puisque le contrat avec Apple aurait dû être sa principale source de revenus, sinon la seule. « Sur le marché des puces réseau pour smartphones, il est devenu clair qu’il n’existait aucun chemin menant à la rentabilité », admet Bob Swan, le CEO de Santa Clara, à la suite de l’annonce du partenariat pluriannuel entre Apple et Qualcomm.

Apple était pourtant clairement engagée à combattre un Qualcomm auquel elle estimait verser trop de royalties. Encore fallait-il que quelqu’un lui fournisse dans le même temps des dizaines de millions de modems chaque trimestre. Intel a rempli cette mission d’abord partiellement pour les iPhone 7, 8 et X, puis intégralement pour les iPhone XS et XR.

Autant le retard technologique accusé par Intel par rapport à Qualcomm sur la 4G était tolérable, encore que, autant il n’était manifestement pas tenable sur la 5G. Un retard d’ailleurs en partie dû à la perte d’Apple comme client quelques années plus tôt, Cupertino ayant signé un contrat d’exclusivité avec Qualcomm…

Le modem 5G d’Intel qui ne trouvera finalement pas sa place dans l’iPhone.

Avant l’annonce du nouveau partenariat entre Apple et Qualcomm, Fast Company avait révélé que Cupertino n’avait plus confiance en Intel pour recevoir son modem 5G XMM 8160 à temps pour les iPhone de 2020. Même si le fondeur a démenti être en retard, l’article soulignait d’autres points de discorde.

Gérer la relation avec le très exigeant client Apple serait une tâche ardue, au moins trois personnes se seraient succédées à ce poste au sein d’Intel. Au-delà de ça, c’est le partenariat même avec Cupertino qui ferait débat en interne.

Fast Company laisse entendre que le nouveau CEO d’Intel, Bob Swan, ex-directeur financier de l’entreprise, a pu contribuer à mettre un terme au contrat pour se concentrer sur des activités plus rentables.

Intel devait d’ailleurs avancer sur la 5G alors que, dans le même temps, Apple débauchait ses ingénieurs pour concevoir sa propre puce réseau. Le nouveau projet de Cupertino est en effet un secret de polichinelle. C’est Johny Srouji, SVP Hardware Technologies, qui mènerait (logiquement) l’équipe de 1 000 à 1 200 ingénieurs travaillant sur ce modem maison dont on entend parler depuis 2017.

Pourquoi faire des efforts si c’est pour être remplacé dans quelques années, s’est sûrement demandé Intel. Car la stratégie d’Apple est connue. « Aujourd’hui, nous développons beaucoup plus de technologies fondamentales que par le passé où ce sont nos fournisseurs qui s’en occupaient — comme les développements autour des processeurs ou des capteurs. C’est quelque chose de très important pour nous parce que nous pouvons aller plus loin dans l’innovation, nous pouvons mieux contrôler la chronologie de sortie, le coût, la qualité », expliquait en 2017 Luca Maestri, le directeur financier d’Apple.

Après avoir fourni pendant plusieurs années le design des GPU des processeurs Ax, Imagination a fait les frais de cette stratégie en 2017. Depuis l’A11 Bionic, Apple conçoit l’intégralité des GPU en interne.

La même chose se trame actuellement avec les modems : outre un contrat d’approvisionnement de puces, Apple a signé avec Qualcomm un accord de licences sur six ans (voire huit) qui devrait lui permettre de créer ses propres puces réseau — en ayant toujours un fil à la patte avec Qualcomm, dont les brevets sont quasiment incontournables. Du point de vue d’Intel, il n’était pas stratégique d’investir dans les modems — un segment secondaire pour lui — en sachant pertinemment que l’inventeur de l’iPhone lui ferait faux bond dans quelques années.

On en vient finalement au Mac. Appelé à la rescousse en 2005 pour remplacer des processeurs PowerPC à bout de souffle, Intel est maintenant sur un siège éjectable. Les processeurs x86 pourraient céder leur place à des processeurs Arm conçus à Cupertino dans quelque temps.

Les prémices du divorce sur Mac sont multiples. Apple a d’ores et déjà commencé à faire des infidélités aux processeurs x86 avec ses puces T1 et T2 à architecture Arm qui prennent en charge de plus en plus de fonctions.

Sur le plan logiciel, le projet Marzipan, qui porte les technologies de développement d’iOS vers macOS, n’est pas anodin non plus. Et puis il y a ces fuites, venant de personnes aussi bien renseignées que Mark Gurman et Ming-Chi Kuo, qui prédisent l’arrivée de Mac Arm à partir de 2020. On en est au point où même des employés d’Intel confient qu’ils s’attendent à voir débarquer des Mac Arm dès l’année prochaine.

La relation entre Intel et Apple était pourtant partie sur d’excellentes bases. En 2008, Steve Jobs remerciait son homologue Paul Otellini d’avoir rendu possible le MacBook Air grâce à un processeur plus petit. Trois ans plus tard, le MacBook Pro inaugurait le Thunderbolt, une nouvelle connectique de pointe enfantée par les deux entreprises.

Puis la routine s’est installée, Intel ne s’est plus montré aussi entreprenant au fil des ans, alors que dans le même temps Apple faisait de gros progrès avec ses puces Ax sur les terminaux iOS. Aujourd’hui, la puce A12X de l’iPad Pro rivalise avec certains processeurs portables d’Intel.

Les clauses de ce divorce présumé ne sont pas encore claires. Y aura-t-il une garde alternée, avec un Intel conservant la main sur les machines les plus puissantes pendant un moment ? Ce qui l’est plus, c’est qu’Apple a en ligne de mire une architecture matérielle unique autorisant des applications universelles, compatibles à la fois avec l’iPhone, l’iPad et le Mac. Finalement, Apple a en ligne de mire son indépendance. Merci pour ce moment, Intel.

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